Modération des contenus illicites5 min read

De nos jours, le droit intervient même dans le domaine de la modération de contenu. Ceci est prouvé par les débats qui se font entendre sur le décret d’application de la loi Hadopi. On ne peut s’empêcher de se demander si le jugement des articles en ligne doit dépendre de l’éditeur. Si oui, comment peut-on affirmer leur responsabilité pénale ? La décision du Conseil constitutionnel sur la loi pour la confiance dans l’économie numérique nous apporte plus d’explication sur ce sujet.

L’interprétation d’un décret de la loi Hadopi semble susciter l’attention des  journalistes, et notamment, ceux de PC INpact. En effet, selon ce texte, chaque éditeur est seul responsable de ces dires et se doit de lutter contre les contenus illicites. Pour ce faire, ils « doivent permettre à toute personne de signaler la présence de tels contenus et à l’éditeur de les retirer promptement ou d’en rendre l’accès impossible ». Cela dit, quelques parties de la loi seraient à revoir, car ils obligeraient les rédacteurs à être l’unique juge de leur article et à les modérer personnellement. Par ailleurs, ce décret ferait également mention d’une modération de tous les commentaires illicites et diffamatoires.

Les journalistes devraient sans doute y réfléchir à deux fois avant de se rebeller contre l’absence de l’adverbe « manifestement » dans le décret. En effet, il se pourrait que ce critère soit leur planche de salut pour retirer toute subjectivité dans la modération. Si ces derniers n’ont pas été étudiés par un juge, leur teneur reste licite.

Dans tous les cas, il faut mettre le point sur la différence entre un contenu illégal et dénigrant. Même si dans certains cas, ces deux caractères sont indissociables, nous ne pouvons en déduire qu’un article illicite est obligatoirement diffamatoire. Nous pouvons donc écarter l’affaire Chazal qui a induit à l’application de la loi sur le délit de presse.

Lors d’une interview, Lionel Thoumyre a mentionné que l’Hadopi ne concerne que l’obligation des directeurs de publications de supprimer certains contenus. Selon toujours ce juriste, l’absence du « manifestement » est le gage de la liberté d’expression sur la toile. Cependant, pour corriger l’erreur qui fait jaillir la colère des journalistes, l’adverbe a été ajoutée le 10 juin 2004 par le Conseil constitutionnel.

Pour réparer la confiance en l’économie numérique ou LCEN, l’article 6 de la loi a également été minutieusement reformulé par le Conseil. En effet, depuis 2004, les fournisseurs d’accès Internet peuvent être acquittés s’ils « n’avaient pas effectivement connaissance de l’activité ou de l’information illicite ». Selon les résolutions, la responsabilité de l’hébergeur ne saurait être engagée si le texte, critiqué par les tiers, ne présente pas des caractères illicites. Il en est de même si le retrait des articles n’a pas été imposé par un juge. Ceci vient les rassurer, car auparavant, on aurait pu croire que leur rôle s’était assimilé à celui d’un gardien d’ordre ou d’un justicier. En revanche, dans cette décision, le Conseil n’a pas encore considéré l’utilité de l’adverbe « manifestement ». Dans son cahier de commentaires, il a même énoncé l’impossibilité d’une autre interprétation de cette loi.

On ne le sait que trop bien : un texte peut être compris de deux façons différentes : à contrario par les visiteurs ou par une lecture « littérale ». Dans le premier cas, la responsabilité de l’hébergeur serait admise sous trois conditions.

  • Il est conscient de ce qu’il stocke
  • Il est de mauvaise foi et ne procède pas à la suppression de l’article délictueux
  • Enfin, le texte a été jugé illicite.

On peut s’attendre à ce que les fournisseurs d’accès Internet soient plus rigoureux dans la modération des contenus, et ceci peut porter atteinte à plusieurs rédacteurs. En prenant conscience de cette situation, on ne peut que se demander si l’ajout du « manifestement » n’accorderait pas plus de sécurité.

La lecture littérale doit prévaloir sur la lecture “a contrario”

Malgré cela, le Conseil constitutionnel s’entête a supprimer l’adverbe. Selon lui, la capacité d’analyse d’un hébergeur doit pouvoir suffire à juger de la licéité d’un article. Il préconise ainsi une lecture littérale de chaque texte. Face à cette décision, les commentaires dans le cahier du Conseil ne cessent de s’accumuler. D’autres disent que “la caractérisation d’un message illicite peut se révéler délicate, même pour un juriste”. Certains craignent une atteinte à la liberté d’expression. En effet, les hébergeurs ne possèdent pas les ressources, humaines et financières, nécessaires pour juger en profondeur les articles. Pour éviter les risques de condamnation, ils peuvent être plus rigoureux quant aux critères de suppression d’un texte délictueux.

Par ailleurs, cette décision a également sa portée auprès des éditeurs de presse en ligne. Implicitement, dans la résolution du 10 juin 2004, le Conseil constitutionnel impute la charge de la modération de contenus à ces derniers. Au regard du respect de la liberté communicationnelle et celui des autres droit, c’est la seule solution trouvée par le Conseil pour lutter contre la diffamation.

Il semblerait que donc que les éditeurs de presse et les hébergeurs détiennent la même responsabilité pour ce qui est des teneurs illicites. D’ailleurs, pour assurer un contrôle optimal des contenus mis en ligne sur leurs plateformes, nombreux sont ceux qui font appel au service d’agences spécialisées dans la modération de contenus.